Rencontre avec Denis Drouin, responsable de production à Picto Bastille (1ère Partie)
Rencontre avec Denis Drouin, responsable de production à Picto Bastille (1ère Partie)
Ce mois-ci, nous avons rencontré le chef d’orchestre de la production du laboratoire Picto Bastille : Denis Drouin. Il est celui qui supervise les différents services, armé d’une équipe de 60 personnes. Ce diplômé de physique et passionné de photographie a débuté sa carrière en tant que tireur cibachrome. Evoluant au sein de l’entreprise Picto depuis 1986, il est depuis 2006 le responsable production de l’antenne de Bastille. Ce grand travailleur à la recherche de défis et de challenges, au laboratoire comme dans la vie, a répondu à nos questions.
Pouvez-vous nous raconter le parcours qui vous a amené aux portes du laboratoire Picto ?
J’ai rencontré la photographie très jeune, et en particulier la photographie animalière. J’étais un passionné d’animaux, d’ailleurs je voulais me diriger vers des études vétérinaires, mais j’ai basculé dans la physique…
Mon parcours est un peu atypique, parce que je n’ai pas fait d’école de photo. Je suis titulaire d’un DUT de physique, et comme m’avait dit à l’époque Edy Gassmann : “Tu as appris à apprendre”.
J’avais une réelle passion pour la photographie, et juste après mes études dans les années 80, j’ai eu la chance de rencontrer Francis Gamichon. Il a été le premier en France à faire du cibachrome*. J’ai donc intégré son équipe en tant que tireur à l’agrandisseur, et j’y suis resté trois ans. Ensuite j’ai changé de laboratoire pour découvrir d’autres procédés, notamment le tirage d’après négatif. J’ai travaillé au laboratoire Varret, j’y suis resté également trois ans, mais il fonctionnait très mal et était quasiment en dépôt de bilan, je me suis donc sauvé en courant pour atterrir ici, chez Picto. C’était en novembre 1986, et j’occupais le poste de tireur dans le service tirage R3** à Front de Seine.
Comment avez-vous évolué au sein de ce service ?
À l’époque, nous vivions les débuts du numérique et à Picto Front de Seine, Michel Vaissaud était le Directeur de production et Directeur Recherche & Développement. Sans son impulsion, le numérique ne se serait jamais développé de cette manière au sein de Picto. Ce qui a été une chance pour moi, car compte tenu de ma formation, j’étais très intéressé par les nouvelles technologies. Le service numérique appelé Picto Synthèse commençait à s'installer sérieusement, il n’y avait alors que 3, 4 personnes et je souhaitais rejoindre l’équipe, mais il n’y avait pas de poste disponible. En attendant, je me suis formé lors d’un stage d’infographie sur les premières consoles Genigraphics, c’était un peu la préhistoire.
L’attente a été longue ?
Ça s’est fait rapidement, très rapidement même, puisqu’un poste de nuit s’est libéré. Je l’ai accepté et j’ai commencé ainsi à apprendre le métier. Le travail de nuit est particulier, mais c’est très formateur, parce que comme on est seul, on n’a pas d’autre choix que de se débrouiller quand il y a un problème… Je travaillais de 17/18h à 1h du matin quand ça se passait bien, mais généralement c’était jusqu’à 3/4h du matin, parce que les délais du numérique dans ces années là pouvaient être très longs. Le service s’est rapidement agrandi, et je suis repassé en service de jour. Nous étions en perpétuelle évolution, on était parmi les premiers, on apprenait tous les jours, c’était passionnant…
Quelle a été l’évolution du numérique au sein de Picto ?
L’évolution s’est faite en terme d’activité, on avait de plus en plus de clients. Le volume du chiffre d’affaire était de plus en plus important car nous étions vraiment à la pointe en terme d’équipement et de savoir-faire. C’était en très grande majorité de la sortie ekta du 24x36cm jusqu’au 4x5”. A partir du fichier numérique, nous produisions une diapositive pour les projections. C’est ce qu’on appelait le business graphic avec les camemberts et les graphiques... Cela a été une grande révolution du numérique
Le numérique prenait donc de plus en plus d’importance au sein du laboratoire ?
Le chiffre d’affaire doublait tous les mois. C’était intense mais passionnant. Nous étions une petite équipe très soudée, ça fonctionnait très bien. Cela a duré de 1989 à 1995 et le numérique continuant son évolution, il prenait de plus en plus d’importance. J’ai encore eu un peu de chance, car le responsable du service numérique est parti et donc on m’a proposé le poste. J’ai un peu hésité parce que ça ne s'improvise pas de superviser une équipe d’une dizaine de personnes, mais je me suis lancé et j’ai appris sur le terrain.
L’argentique disparaissait au profit du numérique ?
On a commencé à voir arriver les photographes pour la retouche numérique. L'investissement à l’époque a été monumental, entre les tables de montage, les tables de retouche, scanners et imageurs… c’était une enveloppe faramineuse et je sais qu’à l’époque Edy Gassmann avait un peu hésité car c’était quitte ou double…
Le service numérique prenait de plus en plus d’ampleur, nous avions tout le business graphic, le shoot pour les entreprises, et pour les photographes, la numérisation et la retouche. Vers 1996/97, on a fait entrer à Picto Front de Seine, le premier imageur papier : un Lightjet. C’est ainsi que le tirage est devenu numérique. En 1999, nous avons eu notre premier lambda et l'équipe s’est étoffée, nous étions une quinzaine. À partir de là, on a commencé vraiment à mettre les pieds dans le tirage numérique, on formait les tireurs argentique à faire du numérique. Le numérique envahissait peu à peu le laboratoire…
Le passage au tirage numérique a t-il été douloureux ?
Quand les lambdas sont arrivés, on a enlevé tous les agrandisseurs à Front de Seine. C’était une mutation du métier. Mais à cette époque il y avait un véritable intérêt pour le numérique. Les plus jeunes avaient une appétence, mais pour les plus anciens ça a forcément été douloureux… C’était un changement de technologie drastique, puisqu’on mettait derrière un écran des personnes qui n’avaient jamais touché à un ordinateur. À Front de Seine, nous avions une clientèle plus annonceurs que photographes, on faisait énormément de duratrans pour les caissons lumineux, donc on est passé très vite au numérique. Ca a facilité notre travail, on gagnait un temps considérable.
*Le cibachrome est un procédé de tirage positif permettant d'obtenir une épreuve directement à partir d’une diapositive. Ces tirages sont réputés pour leurs qualités de conservation grâce à la constance des ses colorants.
** Le tirage R3 est un procédé de tirage d’après diapositive.
Retrouvez très prochainement la suite de notre entretien.
Portrait : © Marine Ferrante