Rencontre avec Corinne Fornerod, graphiste retoucheuse (2nde partie)

Le laboratoire PICTO est le complice de toujours des photographes, mais il est aussi le partenaire des annonceurs avec un département dédié. En étroite collaboration avec le photographe ou le directeur artistique, nos retoucheurs mettent leur savoir-faire au service des clients les plus exigeants. Aujourd’hui, nous rencontrons Corinne Fornerod, graphiste et retoucheuse au service annonceur de Picto Bastille depuis 19 ans. Elle nous en dit plus sur ce métier de précision qui nécessite un important bagage technique, une bonne écoute et une grande patience.
Suite de la rencontre.
 
“Quand le numérique est arrivé, j’ai surtout vu toute les possibilités de ce nouveau système, et je pense que ça a balayé toutes mes craintes. Je l’ai abordé comme un nouvel outil : j'ai troqué mon pinceau de martre contre un stylet numérique”.
 
 
Concernant la retouche mode et beauté sur ces deux dernières décennies, avez-vous vu évoluer les attentes des clients ? Aujourd'hui nous avons l’impression que la tendance serait plus au “naturel”, à une retouche moins excessive ?
 
Ce sont des intentions, mais dans la réalité, la retouche reste très sophistiquée, surtout pour les annonceurs du luxe. On ne retouche d'ailleurs pas que les mannequins : les packagings ou accessoires nécessitent beaucoup de travail. Et contrairement aux idées reçues on n'affine pas systématiquement les mannequins, il m’est arrivé parfois de devoir redonner du volume et de belles courbes à des silhouettes trop minces.
Il est vrai que certaines marques préfèrent des retouches plus légères, plus naturelles que d'autres, mais dans l'ensemble les équipes marketing veulent toujours sublimer d'avantage leurs images et leurs produits. Je pense qu'aujourd'hui plus qu'il y a 20 ans la retouche fait partie intégrante du processus de création de l'image.
 
La technologie photographique a beaucoup évolué ces 20 dernières années avec notamment l’arrivée du numérique, quel.s impact.s y a t-il eu sur votre métier ?
 
Lorsque j’ai fait cette formation chez Kodak, j’ai vraiment découvert un nouvel univers. Je n’ai pas eu peur que mon métier disparaisse, je l’ai vraiment abordé comme une évolution évidente… et même comme une opportunité. Il me semblait avoir un socle assez solide d'expérience en traditionnel, pour passer progressivement au numérique. De plus le travail sur Kodak 1er permettait une approche assez semblable au travail avec les masques rouges à l'agrandisseur il fallait quasiment la même minutie… c’est finalement plus le vocabulaire technique qui avait changé.
Ce qui pouvait déranger, c’est la dématérialisation du métier et le côté aseptisé du digital. 
Il y a eu une période où qualitativement le numérique n’était pas au point, on a parfois été confronté à des difficultés, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas, on a vraiment retrouvé une belle définition et une bonne fluidité de travail.
Si je suis parfois un peu nostalgique, c'est uniquement par rapport à la matière du support photo et du travail plus artisanal, j'ai gardé ce goût pour les outils classiques et le travail sur texture. Ce que je trouve intéressant dans la retouche traditionnelle c'est la dextérité et la maîtrise indispensable du geste et des outils (tire-lignes, pinceau, x acto, aéro...), avec le numérique, ce n’est plus nécessaire, on peut revenir en arrière à tout moment, il n’y a plus cette notion de travail “sans filet”, qui a été un vrai plus et qui donnait sans doute de la valeur supplémentaire au retoucheur.
Personnellement, quand le numérique est arrivé, j'ai surtout vu toutes les possibilités que ce nouveau matériel nous offrait et je pense que ça a balayé toutes mes craintes. Nous n’avons quasiment plus aucune limite, on peut aller tellement loin en terme d'effets ! Ça donne au graphiste retoucheur une grande part pour la création des visuels.
S’il y avait un point négatif à donner à l’arrivée du numérique, ce sont les délais qui deviennent évidemment de plus en plus courts. Il y a une forme d’impatience mais qui est aussi lié à l’évolution de la société. Dans l’inconscient collectif on pense que le numérique permet une extrême rapidité de réalisation, de plus Photoshop a démocratisé la retouche photo ce qui a changé le comportement et l'attente des clients.
 
Avez-vous un souvenir marquant, une anecdote depuis votre entrée au laboratoire ?
 
Il y a eu beaucoup de souvenirs marquants et parfois drôles, mais si je devais en retenir un c’est celui d’un travail que j’ai effectué avec le photographe Eric Valli pour une campagne Louis Vuitton. Il est arrivé directement de Roissy chez Picto, un dimanche avec son matériel photo et une importante production d’images réalisée en Nouvelle Zélande, C’est quelqu’un de très professionnel, et très perfectionniste, derrière son côté baroudeur... Toute son équipe était partie en shooting à l’autre bout du monde dans des conditions dignes d' une expédition, un groupe a acheminé d'anciens bagages et coffres de collection du malletier pour les installer au milieu de paysages grandioses. Des images à presque 180°. Mon travail, a été de sublimer celui d’Eric, cette production minutieuse a été longue de plusieurs semaines.
C’est un bon souvenir, parce tout d’abord il y a eu cette collaboration, et aussi parce que le résultat de cette belle campagne sur le thème « faites nous voyager » a été particulièrement réussi.
 
Vous est-il arrivé que l’on vous fasse une demande particulièrement difficile ?
 
Oui, je pense à un visuel très précis, mais il y en a bien d'autres. C’était le portrait d’un mannequin, son visage était entièrement couvert de gouttelettes d’eau et on m’a demandé de sécher sa peau et de la remaquiller complètement. Quand j’ai commencé à travailler ce visuel, j’ignorais vraiment comment j’allais opérer, pour retrouver un visage naturel sans détériorer le grain de peau.
Les demandes peuvent paraître quelquefois irréalisables, finalement il faut savoir pousser ses propres limites... C'est aussi ce qui fait l'intérêt de notre métier.
 
 
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Portrait : © Marine Ferrante